112.jpgBien qu'il faille toujours rester prudent pour ne pas susciter de faux espoirs chez les malades et leurs familles, un vent d'optimisme et même d'enthousiasme souffle, en cette fin d'année 2011, chez les chercheurs et les médecins qui se battent chaque jour contre le cancer.

Sur le front de la prévention, le remarquable colloque international organisé par l’Anses à Paris, le 12 décembre, a été l'occasion de faire l'état des lieux sur l'importance respective des différents facteurs environnementaux, qu'il s'agisse de choix de vie personnels ou de facteurs exogènes, qui favorisent l'apparition des cancers.

Même s'il reste très difficile, sur le plan épidémiologique, de démêler le poids respectif des différents facteurs, la communauté scientifique admet à présent, dans sa grande majorité, que le mode de vie et l'environnement jouent un rôle déterminant dans l’apparition des cancers. Nos choix de vie et nos mauvaises habitudes alimentaires seraient ainsi responsables d'au moins 45 % des cancers (soit 145 000 par an en France sur les 365 000 nouveaux cas de cancers annuels). Quant aux autres facteurs environnementaux non dépendants de nos choix, exposition aux particules fines, aux substances chimiques, à certains virus ou bactéries, ils seraient responsables d’environ 20 % des cancers. Au total, près des deux tiers des cancers seraient donc provoqués ou favorisés par l'environnement au sens large.

Un des grands défis de santé publique de ces prochaines années sera donc de mettre en oeuvre de vastes politiques à long terme de prévention du cancer en agissant fortement et simultanément sur ces différents facteurs environnementaux. Force est de constater que dans ce domaine crucial de la prévention active, il reste dans notre pays d'immenses progrès à accomplir car nous avons trop longtemps été persuadés que les avancées de la science et la médecine suffiraient à elles seules à nous débarrasser de ce fléau et nous sommes à présent obligés de reconnaître que la réalité est bien plus complexe et que le combat se gagnera aussi sur le terrain éducatif, social et culturel.

Il n'en demeure pas moins que la science, mobilisant tous les nouveaux outils qu’elle a à sa disposition, ne cesse de remporter des victoires contre le cancer en améliorant sa connaissance fondamentale de cette maladie complexe et en proposant aux malades des traitements de plus en plus novateurs et efficaces qui auraient été impensables il y a encore dix ans.

Sans passer en revue toutes les avancées remarquables intervenues au cours de ces derniers mois en cancérologie, on peut cependant rappeler les principaux axes autour desquels s'organisent à présent les nouveaux outils thérapeutiques contre le cancer.

Parmi ces nouveaux outils, les nanomédicaments tiennent une place de choix et commencent à sortir des laboratoires pour soigner les patients. La société MagForce vient ainsi d'obtenir des autorités européennes l'autorisation de mise sur le marché pour son traitement du glioblastome (une forme grave de cancer du cerveau) grâce à des nanoparticules magnétiques. Sous l'effet d'un champ magnétique, ces particules chauffent et détruisent les cellules cancéreuses.

En France, la jeune société Nanobiotix expérimente à l'Institut Gustave-Roussy, NanoXray, un nouvel outil issu de la nanomédecine pour traiter certains sarcomes. Ce traitement consiste à véhiculer dans la tumeur des nanoparticules d'hafnium qui vont multiplier par huit l'effet de la radiothérapie et détruire ainsi beaucoup plus efficacement mais toujours de manière ciblée, les cellules cancéreuses.

En Israël, des chercheurs de l’Université de Tel Aviv, Yona Keisari et Itzhak Kelson, expérimentent actuellement sur des souris un micro-implant radioactif  qui est introduit grâce à une aiguille hypodermique au cœur de la tumeur et fait littéralement exploser celle-ci. Les résultats de ces essais sur différents types de cancer sont très encourageants et les souris traitées à l'aide de cet implant ont vu leur tumeur régresser ou disparaître en une dizaine de jours.

Autre voie très prometteuse, le génie génétique. L’équipe de Patrick Mehlen, directeur du Laboratoire d’Excellence DEVweCAN au Centre de Recherche en Cancérologie de Lyon qui associe le CNRS, l'/Inserm, le Centre Léon Bérard et l'Université Claude Bernard, vient de montrer qu'il existait un mécanisme très subtil reposant sur des "récepteurs à dépendance", capables de commander la mort cellulaire ou apostose des cellules devenues malignes. Ces chercheurs ont montré qu'un gène nommé DCC (pour Deleted Cancer Colorectal), commandait l'action de ces récepteurs à dépendance et empêchait la prolifération de cellules cancéreuses en provoquant la mort des cellules devenues malignes. Ils ont également démontré que ce gène DCC restait inactif dans la majorité des cancers chez l'homme. S'appuyant sur ces découvertes fondamentales, ces chercheurs travaillent à présent sur des molécules capables de réactiver ces récepteurs à dépendance et les premiers essais chez l'homme de cette nouvelle voie thérapeutique pourraient intervenir d'ici trois ans.

En Suisse, des chercheurs ont découvert qu'une protéine, la périostine, joue un rôle déterminant dans le développement de métastases. Il semble en effet qu'en l'absence de cette protéine, les cellules cancéreuses issues d'une tumeur primaire ne parviennent pas à essaimer pour former des métastases distantes. Ces chercheurs de l'EPFL, qui viennent de publier leur résultats dans "Nature" ont montré chez la souris qu'en bloquant le fonctionnement de la périostine à l'aide d'un anticorps spécifique, il est possible d'empêcher la formation de métastases.

Une autre voie très novatrice et très prometteuse en cancérologie consiste à agir non seulement sur la tumeur elle-même mais, plus globalement, sur son environnement et sur l'ensemble du système immunitaire. De récents travaux présentés au grand congrès mondial de San Antonio (Texas) consacré au cancer du sein ont effet montré que la dissémination d'un cancer n'était possible qu'avec la "complicité" du système immunitaire qui, à partir d'un certain stade de la maladie, aidait le cancer dans sa progression au lieu de le combattre !

Des chercheurs américains de l’université de Californie à San Francisco ont notamment observé que les macrophages, sous l'effet de certains types de lymphocytes, favorisaient la formation des métastases en libérant des facteurs de croissance. Ces chercheurs ont ensuite montré qu'en rééquilibrant le système immunitaire en faveur de certains types de lymphocytes (Les CD8) et au détriment des macrophages, grâce à une molécule prise par voie orale (La PLX-3397), il était possible de réduire très sensiblement le risque de métastases. Un essai à large échelle de cette nouvelle thérapie doit prochainement débuter chez deux mille femmes atteintes de cancer du sein avancé avec métastases.

Autre percée sur le front de l'immunologie : celle des vaccins thérapeutiques anti-cancer (à ne pas confondre avec les vaccins classiques qui sont préventifs) qui est en pleine effervescence : des chercheurs français de l'Université de Strasbourg expérimentent actuellement un vaccin thérapeutique contre le cancer du poumon appelé TG4010. Administré en association avec la chimiothérapie, il a entraîné une augmentation sensible de la survie chez 148 patients atteints de cancer avancé du poumon, par rapport à ceux soignés uniquement avec une chimiothérapie. Un autre vaccin contre le cancer du poumon, développé par GlaxoSmithKline, est actuellement testé par 10.000 patients dans le monde.

Aux Etats-Unis, des chercheurs de l'université de Géorgie ont mis au point un vaccin thérapeutique qui provoque une puissante réponse immunitaire chez la souris. Ce vaccin cible spécifiquement les tumeurs dont les cellules présentent la protéine MUC1 en surface. Cette protéine est présente chez plus de 70 % des types de cancer les plus graves et dans 90 % des cancers du sein réfractaires aux traitements hormonaux. L'idée est de combiner ce vaccin à une chimiothérapie pour obtenir des résultats bien plus efficaces.

Enfin, il faut évoquer les recherches menées sur un petit rongeur extraordinaire qui fascine les chercheurs : le rat-taupe glabre. Cet animal singulier semble échapper au cancer et conserve ses pleines capacités physiques jusqu'à sa mort qui survient à l'âge canonique, pour son espèce, de 30 ans ! Il semble que ce rat soit protégé du cancer grâce à l'activation d'un gène, baptisé p16, qui bloque toute prolifération cellulaire. Reste à présent à vérifier si ce gène peut être réveillé ou activé chez l'homme et produire les mêmes effets.

A la lumière de ces nouvelles connaissances et de ces récentes et passionnantes découvertes, tant dans le domaine de la prévention que dans celui des traitements, nous avons à présent la certitude que le cancer peut non seulement être vaincu mais qu'il peut l'être plus vite que ne l'auraient imaginé les chercheurs les plus optimistes, il y a seulement quelques années. Si les progrès de la science et de la biologie se poursuivent au même rythme, les cancers qui ne pourront pas être prévenus deviendront d'ici quelques années, dans la grande majorité des cas, des maladies chroniques qui n'entraîneront plus la mort des malades. Fort de cet espoir, nous devons plus que jamais maintenir notre effort en matière de recherche fondamentale pour terrasser définitivement ce vieil ennemi.

Source: René TRÉGOUËT

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