116-copie-1.jpgLes nanomatériaux sont définis comme des matériaux dont la taille des particules est inférieure à 100 nm, pour au moins une des dimensions. Depuis près de dix ans, les applications des nanomatériaux se développent dans de nombreux domaines. Parmi ces derniers:
- la médecine,
- les systèmes de traitement des eaux,
- les procédés de transformation alimentaire,
- la préservation de l'environnement dans le cadre de programmes de bioremédiation par exemple.

Néanmoins, le développement des nanomatériaux dans le secteur de l'agriculture est relativement récent et nécessite de plus vastes études. Les premiers travaux de recherche ont concerné des procédés de nanoencapsulation de produits chimiques habituellement pulvérisés sur les champs, le but étant de réduire la présence d'éventuelles traces dans l'alimentation humaine tout en préservant l'environnement en limitant l'interaction directe des résidus avec le sol [1]. Un second type de travail tout à fait intéressant pour le secteur agricole, a concerné la mise en place d'outils de détection à base de nanomatériaux (carbone, argent, silice, ...) pour détecter les maladies des plantes pouvant avoir un impact négatif sur le rendement des cultures [2]. Ce type d'outil permettrait de détecter, à un stade précoce, les pathologies et ainsi de définir le protocole de traitement (nutriments ou produits agrochimiques) approprié.

Désormais, comme nous le décrit une étude réalisée par l'université de Floride et l'Institut de Technologie du Massachusetts, les innovations en la matière s'intéressent à de nouvelles applications. Parmi ces dernières, l'activation de la germination et de la croissance des plantes par l'insertion directe de nanoparticules dans les graines ou encore la détection des résidus de pesticides ou d'herbicides par l'usage de nanocapteurs et de nanopuces.

Améliorer la germination des plantes

Une des hypothèses retenue par les scientifiques travaillant dans le domaine des nanotechnologies tient au fait que le taux de germination des graines pourrait être amélioré par l'introduction de nanomatériaux dans la graine des plantes. Il est en effet connu que les nanomatériaux peuvent traverser la paroi des cellules des plantes et ainsi favoriser l'apport de molécules extérieures. Par ailleurs, l'inclusion de nanoparticules de métal permettrait de réduire la production d'ions superoxyde, à partir d'oxygène, ce qui favoriserait la résistance de la plante au stress oxydatif. Plusieurs études ont été menées pour confirmer ou infirmer cette hypothèse.

Ainsi, dans le cadre d'une étude de 2005, menée par une équipe du Département des Sciences de la Vie de l'université de Suzhou en Chine, des nanoparticules de dioxyde de titane (nanoTiO2) ont été intégrées dans des graines d'épinards. Ces nanoparticules étaient susceptibles d'augmenter l'absorption de composés organiques ainsi que d'eau et d'oxygène par la plante et de limiter la formation de radicaux libres produits lors de la photosynthèse. Les résultats ont montré que la plante, après germination, possédait 73% de poids sec supplémentaire, un taux de photosynthèse trois fois plus élevé, et une augmentation de la formation de chlorophylle supérieure de 45% comparativement à une plante non traitée avec ces nanoparticules [3]. Dans le cadre d'une seconde étude, dirigée par une équipe de l'université d'Arkansas en 2009, l'exposition de graines de tomates à des nanotubes de carbones (MWCNT) a permis d'augmenter la germination de la plante de 90% grâce à une pénétration facilitée de l'eau dans la graine de la plante [4]. Enfin, Irina Belozerova, du Département de Biologie du Collège Darwin dans l'état de New-York, a montré dans le cadre de travaux menés en 2009, que les nanoparticules de métal (silicium, palladium, or, cuivre) ont également une influence positive sur la germination de la laitue [5].

Cependant, malgré les résultats positifs qui ont été observés, certains nanomatériaux présentent une phytotoxicité qui reste un élément important à évaluer dans ce type d'expérimentation. Des études ont révélé que selon les quantités de nanomatériaux intégrées aux graines des plantes, des conséquences néfastes sur la croissance pouvaient être observées. Pour exemple, une concentration supérieure à 200mg/l de nano-Zinc inhiberait la croissance des racines du radis, du colza, de l'ivraie, de la laitue, du maïs, et du concombre [6].

Par ailleurs, un second cas à noter concerne les nanoparticules contenant de l'argent, sous forme sphérique. Elles peuvent conduire à la formation d'oxydes ou d'ions d'argent, qui pourraient être phytotoxiques pour les plantes. L'Agence Américaine de Protection de l'Environnement (EPA) apporte actuellement son soutien à des études sur les conditions de cette phytotoxicité au travers d'un programme qui a répertorié en 2010, plus de 100 pesticides possédant des propriétés anti-microbiennes et contenant des molécules d'argent [7].

Les futures recherches concernant la germination des plantes devraient, selon les experts, se concentrer sur la phytotoxicité due à des concentrations élevées. Parmi les autres sujets on trouve le caractère imprévisible de l'action de certains nanomatériaux selon le type de plantes étudié, et l'influence de la taille des nanomatériaux sur le transport des composés organiques et inorganiques et l'activité de photosynthèse.

La détection des résidus de pesticides pour protéger la santé humaine

Environ 1 045 produits chimiques, considérés comme dangereux pour la santé humaine ont été répertoriés par l'Agence Américaine de l'Alimentation et des Médicaments (FDA) [8]. Afin de détecter les résidus potentiels des pesticides, plusieurs programmes ont été menés pour développer des nanocapteurs capables de les détecter en remplacement des méthodes actuelles telles que la chromatographie en phase liquide ou solide et la spectrométrie de masse, qui sont plus longues à mettre en oeuvre. Selon les travaux de Liu et al, menés en 2008 [9], les nanocapteurs présenteraient une sensibilité élevée, des seuils de détection faibles, une bonne sélectivité, et des temps de réponse rapides même sur des particules de petites tailles. Néanmoins, plusieurs questions persistent sur l'efficacité des nanocapteurs telles que leur degré de sensibilité selon les pesticides, leurs techniques de fabrication et d'instrumentalisation, la fiabilité et la répétabilité de la détection des résidus à l'état de traces et les coûts d'analyse.

La détection précoce des agents pathogènes

L'objectif est une détection et une localisation des agents pathogènes présents dans le végétal afin de mettre en place, le plus tôt possible, le traitement adéquat (produit, quantité, ...). Les nanoparticules pourraient être utilisées comme biomarqueurs pour la détection de bactéries, virus et de champignons pathogènes.

Différentes études ont déjà été menées sur ce sujet. Des nanopuces, connues pour leur sensibilité et spécificité à détecter un simple changement de nucléotides ont été analysées pour détecter les réactions d'hybridations. Utilisation est faite de sondes de capture marquées par un composé fluorescent, présentes dans les plantes et signes de la présence d'agents pathogènes [10]. Les nanoparticules d'or sont généralement utilisées pour le développement de capteurs immunologiques, utilisant le principe de la résonance plasmonique de surface par exemple, pour détecter la maladie Tilletia indica (Karnal Bunt ) - maladie due à la présence du champignon Tilletia indica Mitra - au sein du blé [11].

Les orientations des futurs travaux de recherche

La toxicité pour l'écosystème, les résidus potentiels transférés dans les denrées alimentaires, et la phytotoxicité des nanomatériaux sont quelques-unes des préoccupations majeures pour l'application des nanomatériaux dans l'agriculture. Les questions relatives à la santé humaine ont déjà été abordées dans de nombreux travaux de recherche mais il faut cependant compléter ces travaux par l'étude de la toxicocinétique (mouvement des nanomatériaux dans le corps) et de la toxico-dynamique des nanomatériaux (effets chroniques) liés à usage dans la production agricole.

Des données sont encore à analyser sur la caractérisation précise des nanomatériaux dans les matrices biologiques pour une compréhension en profondeur des mécanismes de leur toxicité dans les systèmes biologiques, les interactions des nanomatériaux dans la matrice végétale, les relations dose-réponse, le cycle de vie des produits traités avec des nanomatériaux, les résidus de nanomatériaux dans les aliments et les matrices alimentaires.

Conclusion

Cette analyse de l'utilisation et de l'impact des nanomatériaux dans l'agriculture a porté principalement sur les applications spécifiques des nanomatériaux pour l'agriculture telles que la protection des végétaux, la détection des pathogènes et la détection des résidus de pesticides, entre autres.

Les nouvelles avancées montrent que les applications des nanomatériaux peuvent aider à une germination plus rapide des végétaux (selon le type de plante) avec un impact réduit sur l'environnement. Selon les auteurs des études citées dans cet article, les nanomatériaux, en fonction de leurs caractéristiques telles que leur nature ou leur formulation, devraient idéalement se décomposer plus rapidement dans le sol que dans la plante, ce qui permettrait d'éviter la pollution des sols et de l'environnement tout en présentant une activité au niveau du végétal [12]. En outre, les nanocapteurs pourraient être une option tout à fait intéressante pour détecter les résidus de pesticides directement sur le terrain. Bien que cet examen démontre le potentiel des nanomatériaux pour diverses applications agricoles, une enquête plus approfondie et de nouveaux travaux de recherche sont nécessaires pour élargir les possibilités d'application dans le secteur agricole et déterminer de nouvelles méthodes pour évaluer leur innocuité.

Plusieurs laboratoires de recherche aux Etats-Unis ont développé des compétences, à noter le laboratoire de micro et nanotechnologies de l'université de l'Illinois, le laboratoire des nanotechnologies des sciences spatiales de l'Institut de Technologie du Massachusetts ou le laboratoire de nanotechnologies de l'université de Villanova en Pennsylvanie. Les agences fédérales travaillent également sur ce thème telles que le Service de recherche agricole du Département américain de l'Agriculture (USDA/ARS), le Département américain de la défense (DOD), le Département américain de l'énergie (DOE) ou encore l'Agence américaine de l'alimentation et des médicaments (FDA).

Pour mémoire, les Etats-Unis ont mis en place, depuis l'an 2000, un programme fédéral de R&D destiné à comprendre et contrôler la matière à l'échelle nanométrique, le but étant de "révolutionner les technologies et les industries de demain" : Projet National de Nanotechnologie (National Nanotechnology Initiative - NNI). Vingt-six agences fédérales, dont celles citées précédemment, avec des missions allant de la recherche à la réglementation, participent et financent, en partie, ce programme. De nombreux projets de recherche ont déjà été accomplis par le NNI tels que "L'amélioration de la compréhension des nanotechnologies par la population et ses applications en matière d'agriculture et d'alimentation" ou "De nouveaux nanomatériaux pour la détection d'agents biologiques dangereux dans les aliments" [13]. Le budget fourni par le Gouvernement en 2013 serait de 1,8 milliards de dollars.

 

SOUCE:
- Cécile Camerlynck, deputy-agro.mst@consulfrance-chicago.org ;
- Adèle Martial, attache-agro.mst@consulfrance-chicago.org ;
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